Cécile Andrieu
L’art étant pour moi le lieu et le moyen de m’interroger sur ce qu’il y a de plus essentiel à l’homme, c’est vers le mot et la lettre, principalement écrits ou imprimés, que graduellement je me suis tournée.
Dans un premier temps, ma confrontation avec la culture nippone m’a fait réaliser le poids de cette « épaisse croûte de discours » (Italo Calvino) qui pèse de plus en plus sur le monde et nous aveugle, et découvrir toute la force du silence pour dépasser les limites des mots et approfondir le Réel. De là, des objets ou installations réalisés notamment à partir de livres, dictionnaires, papiers à écrire, caractères d’imprimerie, papier à écrire ou mines, travaillés de façon à régénérer le silence...
d’avant l’avènement du sens.
L’essor du numérique m’a ensuite amenée à reconsidérer la trace même de la lettre ou du signe qui perd en substance et en durabilité, deux qualités indispensables « pour stabiliser la vie humaine » (Hannah Arendt), ici-maintenant, et tend de plus en plus à faire place au chiffre ou au nombre. Vivant la « dévitalisation » de la lettre comme une atteinte au fondement même de l’humanité, mes travaux actuels visent principalement à (faire) redécouvrir sa force vitale en continuant de valoriser le silence qui échappera toujours au nombre, ainsi que les qualités visuelles, tangibles, des divers matériaux choisis en fonction du contexte, et le dialogue avec l’espace (physique, culturel) comme avec le regardeur.